ENTREPRISE

Sanction d’un dirigeant de fait d’une société en liquidation judiciaire

Le liquidateur judiciaire d’une société agit en justice contre l’ancien dirigeant de fait de cette société, en vue d’obtenir sa condamnation au comblement du passif et le prononcé d’une sanction personnelle à son encontre pour ne pas avoir demandé l’ouverture d’une procédure collective.

Par cette action, se posait alors la question de savoir si un dirigeant de fait qui ne sollicite pas l’ouverture d’une procédure collective peut être sanctionné alors que l’article R 631-1 du Code de commerce précise que la demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire doit être déposée par le représentant légal de la personne morale.

Saisie du litige, la Cour de cassation répond par l’affirmative et affirme ainsi qu’un dirigeant de fait peut demander l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. A ce titre, les demandes du liquidateur judiciaire peuvent donc être accueillies.

Cour de cassation, chambre commerciale, 7 février 2024, pourvoi n° 23-40.016

Sort du contrat de travail d’un dirigeant à la fin de son mandat social

Le directeur commercial d’une société en est nommé président et son contrat de travail est alors suspendu.

Quelques années plus tard, à la suite de la liquidation judiciaire de la société, son mandat social prend fin.

Il saisit alors la justice afin de voir reconnaître sa qualité de salarié et d’obtenir le versement par le liquidateur d’indemnités de licenciement.

Les juges rejettent ses demandes, retenant que le contrat de travail n’avait pas repris ses effets après l’ouverture de la procédure collective car l’intéressé avait entre-temps créé une autre société où il était supposé travailler ; ne se considérait plus comme salarié de la première société ; et ne s’était pas tenu à la disposition de son employeur après l’expiration de son mandat social.

La Cour de cassation censure cette décision. Elle rappelle en effet que le contrat de travail d’un salarié, suspendu lorsque celui-ci devient dirigeant, retrouve son plein effet quand le mandat social prend fin, même si l’intéressé ne s’est pas tenu à la disposition de la société et s’il a entre-temps créé une autre société.

Cour de cassation, chambre sociale, 13 décembre 2023, pourvoi n° 22-10.126

SA : des effets de l’abandon de la gouvernance dualiste

Lors du Conseil d’administration d’une société anonyme (SA), les administrateurs votent à l’unanimité la réunion des fonctions de président et de directeur général entre les mains du président du Conseil d’administration.

Soutenant que la cessation de ses fonctions procédait d’une révocation sans juste motif, le directeur général assigne alors la société en paiement de dommages et intérêts.

En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation juge que la décision du Conseil d’administration d’une société anonyme de confier à son président la direction générale de la société, qui a pour effet de mettre fin aux fonctions jusqu’alors exercées par le directeur général, ne constitue pas une révocation de ce dernier, sauf à ce que celui-ci démontre que cette décision a été prise dans le but de l’évincer de son mandat social.

Or, en l’espèce, force est de constater que le directeur général n’a pas été révoqué de son mandat pour être remplacé par un nouveau directeur général, mais que son mandat dissocié de directeur général, qui n’existait que du fait de la gouvernance dualiste votée précédemment par les administrateurs, a été supprimé. Dès lors, son action ne saurait aboutir.

Cour de cassation, chambre commerciale, 4 avril 2024, pourvoi n° 22-19.991

BANQUE ET CONSOMMATION

Vol annulé et droit des passagers : précisions

Un passager voit son vol transatlantique annulé.

La compagnie lui propose alors soit un remboursement immédiat sous forme d’un bon de voyage en remplissant un formulaire en ligne, soit un remboursement sous une autre forme, par exemple une somme d’argent, à condition de prendre préalablement contact avec son service clientèle.

Le passager opte pour le bon de voyage, qu’il reçoit aussitôt par courrier électronique.

Toutefois, deux mois plus tard, il se ravise et demande à la compagnie aérienne de procéder, dans un délai de 14 jours, au remboursement sous la forme d’une somme d’argent correspondant au prix du vol annulé.

A l’appui de sa démarche, il soutient qu’il n’a pas donné son « accord signé », pourtant nécessaire selon le règlement européen pour recourir au remboursement sous la forme d’un bon de voyage.

En vain.

Saisie du litige, la Cour de justice de l’Union européenne juge que le passager est réputé avoir donné son « accord signé » lorsqu’il a rempli un formulaire en ligne sur le site internet du transporteur aérien par lequel il a opté pour cette forme de remboursement et renoncé au remboursement sous la forme d’une somme d’argent.

Toutefois, précise la Cour, il est nécessaire que les passagers aient été en mesure d’effectuer un choix efficace et informé (ce qui suppose, comme ici, que le transporteur ait fourni de manière loyale une information claire et complète).

Cour de justice de l’Union européenne, 21 mars 2024, affaire n° C-76/233

Assurance : les clauses d’exclusion ambiguës ne sont pas applicables !

Une société exerçant une activité de traiteur-organisateur de réceptions souscrit un contrat d’assurance multirisque professionnelle, incluant une garantie « perte d’exploitation ».

Soutenant avoir subi des pertes de chiffre d’affaires importantes à l’occasion du premier confinement, elle demande la mise en œuvre de la garantie.

L’assureur s’y oppose en se prévalant notamment de la clause d’exclusion de garantie du contrat rédigée ainsi : « demeure toutefois exclue la fermeture consécutive à une fermeture collective d’établissements dans une même région ou sur le plan national, lorsque la fermeture est la conséquence d’une violation volontaire à la réglementation, de la déontologie ou des usages de la profession ».

Saisis du litige, les juges jugent cette clause opposable à l’assurée au motif que l’absence de la conjonction de coordination « et » entre les deux cas d’exclusion démontre qu’ils ne sont pas cumulatifs.

La Cour de cassation censure néanmoins cette décision. Elle rappelle, au visa de l’article L 113-1 du Code des assurances, que les clauses d’exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles dès lors qu’elles doivent être interprétées. Ainsi, rapportée au cas d’espèce, la clause d’exclusion doit être jugée non écrite puisque que l’emploi de la conjonction de subordination « lorsque » nécessite une interprétation.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 25 janvier 2024, pourvoi n° 22-14.739

Fraude : quand la responsabilité de la banque ne saurait être engagée

Un particulier est démarché par une société de courtage frauduleuse.

Croyant investir sur le marché des cryptoactifs, il passe en moins de deux mois plusieurs ordres de virement pour un montant de plus de 118 000 €, au profit d’une société détenant un compte bancaire situé en Lituanie.

Un an plus tard, s’étant rendu compte de la fraude, il agit contre sa banque en réparation de son préjudice. Pour lui, la banque avait manqué à son obligation de vigilance : alors qu’elle connaissait les risques d’escroquerie aux investissements, elle n’avait pas relevé les anomalies affectant les virements (montants élevés, nom atypique du bénéficiaire, caractère international des transferts de fonds).

En vain.

Pour les juges, la victime d’une fraude ne peut se prévaloir des dispositions imposant aux banques une obligation de vigilance antiblanchiment car ces dispositions n’ont pour seule finalité que la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

De même, la responsabilité de la banque ne saurait être retenue au titre de l’inexécution de l’une de ses obligations contractuelles puisque les virements ont été réalisés en ligne, sans que la nature du paiement n’apparaisse jamais.

Cour d’appel de Paris, 31 janvier 2024, affaire n° 22/13537