ENTREPRISE

Les usages d’une profession sont-ils opposables aux tiers ?

Une société accepte un devis de 80 500 € pour la fabrication et la pose d’armature en acier en vue de la construction d’une plateforme logistique.

Un mois plus tard, un nouveau devis est établi par le fabricant pour le même chantier mais pour des quantités et des prix différents.

Soutenant que le contrat a ainsi été unilatéralement modifié, la société en demande la résiliation ainsi que la restitution des sommes versées. Le fabricant prend acte de cette demande mais retient sur les sommes versées une indemnité forfaitaire de 64 000 €, en application des usages professionnels de son secteur.

La société conteste, arguant qu’elle relève d’un secteur différent.

En vain.

Les usages élaborés par une profession ont vocation à régir, sauf convention contraire, non seulement les relations entre ses membres, mais aussi celles de ces derniers avec des personnes étrangères à cette profession dès lors qu’il est établi que celles-ci, après en avoir eu connaissance, les ont acceptés. Or, dans cette affaire, le devis initial et la facture rappelaient que le contrat était soumis aux usages professionnels et conditions générales des armaturiers.

Cour de cassation, chambre commerciale, 4 octobre 2023, pourvoi n° 22.15.685.

AG : une décision prise à l’unanimité ne peut pas être abusive

L’associé majoritaire et gérant d’une société par actions simplifiée (SAS) consent, avec le concours de l’associé minoritaire, une promesse de cession de la totalité des actions de la société au profit d’un tiers.

Peu de temps avant la réitération de la promesse, l’assemblée générale de la SAS décide, à l’unanimité, d’octroyer une prime exceptionnelle de 83 000 € au dirigeant.

Quelques mois plus tard, la société, dont le cessionnaire des parts est devenu le dirigeant, refuse de verser cette somme.

La SAS et le nouvel acquéreur demande alors l’annulation pour abus de majorité de l’assemblée générale ayant attribué la prime. En vain. Saisie du litige, la Cour de cassation juge qu’une décision prise à l’unanimité des associés d’une société ne peut pas être constitutive d’un abus de majorité.

Cour de cassation, chambre commerciale, 8 novembre 2023, pourvoi n° 22-13.851

Mandat ad hoc : précision sur la confidentialité de la procédure

Après avoir bénéficié d’une procédure de mandat ad hoc, une entreprise, en cessation des paiements, sollicite sa mise en redressement judiciaire.

Dans le cadre de l’examen de sa demande d’ouverture de la procédure collective, les juges ordonnent la communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc.

Mais l’entreprise, faisant valoir la confidentialité de cette procédure, conteste le jugement ayant levé la confidentialité du mandat ad hoc.

En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte des articles L. 621-1, alinéas 5 et 6, et L. 631-7 du Code de commerce, que le tribunal saisi d’une demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard d’un débiteur qui bénéficie ou a bénéficié d’un mandat ad hoc ou d’une procédure de conciliation dans les dix-huit mois qui précèdent, peut, d’office ou à la demande du ministère public, obtenir communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc ou à la conciliation, nonobstant les dispositions de l’article L. 611-15 du même Code.

Cour de cassation, chambre commerciale, 22 novembre 2023, pourvoi n° 22-17.798

BANQUE ET CONSOMMATION

Résolution du contrat : nécessité d’une mise en demeure ?

Une société confie à une autre la maintenance de ses outils de travail.

Mécontent des prestations fournies, le dirigeant de cette société tient des propos insultants et méprisants à l’égard des salariés de la société de maintenance, laquelle décide alors de ne pas poursuivre sa prestation.

Par lettre recommandée, la société de maintenance informe donc sa cliente de sa décision puis l’assigne devant les tribunaux en paiement de diverses factures.

Pour sa défense, la société cliente fait valoir les articles 1224 et suivants du Code civil qui obligent une partie qui résilie un contrat à adresser une mise en demeure préalable.

En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation juge que « dans ce contexte d’extrême pression et de rupture relationnelle », la société de maintenance n’était définitivement plus en mesure de poursuivre son intervention, toute mise en demeure préalable étant par ailleurs vaine. A ce titre, elle était donc en droit de résoudre unilatéralement le contrat sans mise en demeure préalable.

Cour de cassation, chambre commerciale, 18 octobre 2023, pourvoi n° 20-21.579

Restitution du prix d’une vente résolue : pas de garantie par le tiers

Une société vend à une autre un véhicule aménagé pour le transport des chevaux.

Contractuellement, le camion est censé pouvoir supporter le poids de 5 bêtes, ce qui, en réalité, s’est révélé inexact.

L’acheteur décide alors d’assigner en justice le vendeur en résolution du contrat.

En réponse, le vendeur met en cause son propre vendeur. Il lui reproche d’avoir effectué des adaptations intérieures sur le véhicule, ayant entrainé une modification de son poids à vide, et donc l’impossibilité de transporter 5 chevaux. A ce titre, il lui demande en conséquence de garantir la restitution du prix.

En vain.

En cas de résolution de la vente, la restitution du prix est la contrepartie de la restitution du bien objet de la vente. Dès lors, lorsqu’une vente a été résolue, le vendeur ne peut obtenir d’un tiers la garantie du prix auquel, du fait de la résolution de la vente et de la remise de la chose, il n’a plus droit et dont la restitution ne saurait constituer pour lui un préjudice indemnisable.

Cour de cassation, chambre commerciale, 22 novembre 2023, pourvoi n° 22-18.306