ENTREPRISE

 Vente d’un local commercial et droit de préférence du locataire

Par jugement d’adjudication, un local commercial est vendu à une société.

Quelques jours plus tard, le locataire déclare exercer son droit de préemption sur le local adjugé. A l’appui de démarche, il rappelle l’article L 145-46-1 du Code de commerce qui dispose que lorsque le propriétaire d’un local commercial ou artisanal loué envisage de le vendre, le locataire bénéficie d’un droit de préférence légal pour se porter acquéreur.

En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation, après avoir rappelé que les dispositions de l’article L 145-46-1 du Code de commerce sont d’ordre public, juge qu’elles ne sont toutefois pas applicables aux ventes faites d’autorité de justice. Dès lors, un locataire commercial ne peut pas faire jouer son droit de préférence légal lorsque le local visé a fait l’objet d’une adjudication dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 30 novembre 2023, pourvoi n° 22-17.505

 Transmission d’entreprise : le montant de l’abattement relevé

La cession ou la donation, en pleine propriété, de fonds artisanaux, de fonds de commerce, de fonds agricoles, de clientèles d’une entreprise individuelle ou de parts ou actions d’une société peut, sous certaines conditions, bénéficier d’un abattement de 300 000 € applicable aux droits d’enregistrement et aux droits de mutation à titre gratuit lorsqu’elle est réalisée au profit de salariés ou de proches du cédant.

Afin d’encourager ces reprises d’entreprise, en interne ou dans la famille, la loi de finances pour 2024 a relevé le montant de ces abattements de 300 000 à 500 000 € pour les cessions et donations réalisées à compter du 1er janvier 2024.

Loi de finances pour 2024

 Fonds de commerce : le vendeur doit délivrer la clientèle convenue

Après avoir acquis une branche d’activité d’une entreprise, la société acquéreuse découvre qu’un certain nombre de contrats de prestation de services figurant sur la liste des contrats en cours, annexée à l’acte de cession, avaient été résiliés.

Mécontente, elle réclame donc au vendeur le paiement d’une somme correspondant au montant des contrats résiliés et des dommages et intérêts.

Mais pour les juges, le vendeur a bien rempli son obligation de délivrance de la clientèle en annexant à l’acte de cession la liste des contrats cédés comportant les coordonnées des clients.

Censure de la Cour de cassation ! Les Hauts magistrats rappellent en effet que la clientèle est un élément du fonds de commerce. Dès lors, la délivrance de la clientèle attachée au fonds de commerce vendu n’est pas totale si une partie des contrats en cours mentionnés en annexe de l’acte de vente sont en réalité résiliés.

(Cass. Civ. Chambre commerciale, 13 décembre 2023, 22-10.477)

 Le droit de préemption commercial resserré

Une auto-école souhaite céder son droit au bail commercial à sa voisine, une société qui exploite déjà un commerce de boucherie et qui souhaite s’agrandir.

Toutefois, le maire exerce son droit de préemption au nom de la commune sur le fondement de l’article L 214-1du Code de l’urbanisme. Pour rappel, cet article permet à une commune de délimiter, par délibération motivée, un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, à l’intérieur duquel les aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de commerce ou de baux commerciaux, sont soumises au droit de préemption. L’acquéreur conteste. Il finira par avoir gain de cause.

Pour exercer son droit de préemption dans un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, la commune doit justifier de la réalité d’un projet et en mentionner la nature dans la décision de préemption. Or, en l’espèce, la décision de préemption se bornait à se référer à la délibération du conseil municipal, sans préciser la nature du projet poursuivi par la commune.

Conseil d’État, 15 décembre 2023, affaire n° 470167

BANQUE ET CONSOMMATION

Défaut d’information par le vendeur : nullité du contrat ?

A l’occasion d’une foire, des particuliers signent un contrat portant acquisition, installation et mise en service de panneaux photovoltaïques.

Puis, invoquant des manquements sur le bon de commande, ils assignent le vendeur en justice en annulation du contrat et en indemnisation. Ils finiront par avoir gain de cause.

Si, au terme de l’article L111-1du Code de la consommation, le manquement aux obligations d’informations précontractuelles n’est pas expressément assorti de la nullité du contrat, il résulte de l’article 1112-1 du Code civil qu’un tel manquement du professionnel à l’égard du consommateur entraîne néanmoins l’annulation du contrat, si le défaut d’informations porte sur des éléments essentiels du contrat. Or, tel était bien le cas dans cette affaire puisque ni les caractéristiques essentielles des produits achetés, ni le délai de livraison et d’installation de ces produits n’étaient mentionnés sur le bon de commande.

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 20 décembre 2023, pourvoi n° 22-18. 928

 Garantie légale des vices cachés : quid des délais en cas d’action récursoire ?

Un concessionnaire automobile vend, en septembre 2014, une voiture à une société.

Le 10 juin 2016, cette société revend le véhicule à un particulier.

Se plaignant de défauts rendant la voiture inutilisable, ce dernier assigne devant la justice et dans les jours qui suivent la société, sur le fondement de la garantie des vices cachés, en résolution de la vente et en indemnisation.

Le 22 septembre 2022, la société assigne alors en garantie le concessionnaire automobile.

Les juges considèrent toutefois que l’action formée par la société est irrecevable, puisqu’elle a été exercée plus de 5 ans après la vente initiale du véhicule.

Saisie du litige, la Cour de cassation censure cette décision. Elle rappelle ainsi que l’action en garantie légale des vices cachés doit être exercée dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice ou, s’il s’agit d’une action récursoire, à compter de l’assignation, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter du jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie. Or, en l’espèce, force est de constater que ces délais ont été respectés !

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 6 décembre 2023, pourvoi n° 22-23.487

 Banque : pas de responsabilité sans preuve !

Une société réalise une réduction suivie d’une augmentation de son capital social.

L’actionnaire de la société, souhaitant exercer son droit préférentiel de souscription, demande alors à la banque de procéder à un virement en vue d’acquérir un certain nombre d’actions. La banque n’ayant pas procédé au virement, l’actionnaire l’assigne en paiement de dommages-intérêts.

A l’appui de sa démarche, il soutient que, par son manquement, l’établissement financier l’a privé de son droit à souscrire à l’augmentation de capital.

En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation retient que l’actionnaire n’établit pas que la valeur des parts dont il a été privé correspondait à la valeur nominale au jour où elles auraient dû être souscrites, de sorte que son préjudice ne peut être évalué à hauteur de cette valeur. Autrement dit, pour engager la responsabilité civile de l’établissement bancaire et obtenir le paiement de dommages-intérêts, la victime aurait dû établir la valeur des parts dont il a été privé par la faute de la banque.

Cour de cassation, chambre commerciale, 20 décembre 2023, pourvoi n° 22-12.251